L’accord du participe passé des verbes pronominaux : revue de presse orthographique n°3

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Chaque semaine, je vous propose de revoir une règle d’orthographe grâce à des exemples d’erreurs tirés de la presse. Retrouvez une version animée en GIF sur Twitter :

Je peux vous dire que je n’ai eu que l’embarras du choix pour les exemples… Tous les articles cités ici datent de moins d’une dizaine de jours sauf un qui est daté du 1er septembre. Pourtant, les verbes pronominaux, c’est très simple !

Tout d’abord, qu’appelle-t-on un verbe pronominal ?

=> se + verbe

Le problème de l’accord se pose dans les temps composés : est-ce que j’accorde le participe passé avec le sujet ou pas ? Elle s’est lavé(e?), elle s’est lavé(e?) les mains

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En simplifiant un peu, on peut dire qu’il existe 2 types de verbes pronominaux :

1) Les verbes qui n’existent pas sans le SE devant : s’évanouir, s’enfuir, s’abstenir… On les appelle “des essentiellement pronominaux”. Pronominaux par essence, c’est leur nature.

2) Les verbes qui existent sans le SE devant et à qui il arrive, parfois, de prendre un “se” : (se) téléphoner, (se) succéder, (se) regarder… On les appelle des pronominaux “accidentaux”, ils sont “accidentellement” pronominaux.

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Que se passe-t-il pour chacune de ces catégories ?

1) Les essentiellement pronominaux, qui n’existent pas sans le “se”, c’est facile : ON ACCORDE AVEC LE SUJET. Toujours ? Oui. Sauf le verbe “s’arroger”. C’est L’UNIQUE exception.

Chez France 3 :

“Nombre d’entre eux se sont ̶a̶b̶s̶t̶e̶n̶u̶ abstenus”

https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/grenoble/covid-19-masques-inutiles-epidemie-terminee-qui-sont-anti-masques-quels-sont-leurs-arguments-1872176.html

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Même erreur ici :

“ils se sont ̶a̶p̶e̶r̶ç̶u̶ aperçus”

https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/reims/sourds-deplorent-rentree-masquee-handicapante-enfants-vont-faire-face-grosses-difficultes-1868314.html

Oui, on peut utiliser le verbe “apercevoir” (=voir) tout seul, mais il n’a pas le même sens que “s’apercevoir” (=se rendre compte). On considère donc que “s’apercevoir” est un verbe différent.

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2) Et pour les accidentellement pronominaux, ceux qui existent sans le “se” et avec le même sens ? On n’a rien inventé… On a déjà une règle qui existe : celle qui consiste à accorder avec le COD s’il est placé devant. Et à ne rien faire autrement.

Prenons un exemple très à la mode…

Elle s’est lavÉ les mains : mains = COD placé *après*, je n’accorde pas

Les mains qu’elle s’est lavÉES : mains (=que) = COD placé *avant*, j’accorde

Elle s’est lavée : s’ = COD, j’accorde avec S’. Il s’avère juste que, ici, S’ = le sujet.

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Chez Usbek et Rica :

“plusieurs témoins de qualité qui se sont ̶s̶u̶c̶c̶é̶d̶é̶s̶ succédé”

https://usbeketrica.com/fr/article/top-raisons-economie-sociale-et-solidaire-arnaque

On succède À quelqu’un. C’est un COI, pas un COD. Donc on n’accorde pas avec le “se”. Le participe passé “succédé” est toujours invariable !

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Sur le site de France Culture :

“ces chercheurs se sont ̶d̶e̶m̶a̶n̶d̶é̶s̶ demandé…”

https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-sciences/le-journal-des-sciences-du-vendredi-11-septembre-2020

On demande À quelqu’un. Il n’y a pas de COD, le SE est COI. Et on fait quoi avec les COI ? Rien. On ne fait RIEN.

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Toujours la même erreur ici :

“les deux hommes se sont ̶t̶é̶l̶é̶p̶h̶o̶n̶é̶s̶ téléphoné à plusieurs reprises”

https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/la-plume-de-nicolas-sarkozy-rejoint-jean-castex_454884

On téléphone À quelqu’un, donc pas d’accord avec SE. En revanche : ils se sont appelÉS. Parce qu’on appelle quelqu’un (COD, sans le *à*).

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Là, normalement, quelques-uns parmi vous auront remarqué quelque chose… Les essentiellement pronominaux (ceux qui n’existent pas sans le “SE”) n’ont aussi jamais de COD ! On ne peut pas “s’abstenir quelque chose”, seulement “s’abstenir DE qqch”. Donc, tout est logique.

C’est la raison pour laquelle “s’arroger” est le seul essentiellement pronominal qui ne s’accorde pas avec le sujet. Ce qui fait de lui une exception, c’est qu’il accepte les COD : “s’arroger des droits”.

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Pour résumer :

Le verbe existe sans le SE avec le même sens ?

Non => accord avec le sujet

Oui => je cherche si le COD est “se” ou s’il est placé devant

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J’ai laissé de côté les pronominaux utilisés dans un sens passif, dont le participe passé s’accorde toujours avec le sujet :

“les masques se sont bien vendus cette année” : se sont vendus = ont été vendus

Évidemment, tout ça est à mettre en lien avec le fameux “elle s’est permis” !

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La revue de presse orthographique est à retrouver chaque semaine sur Twitter et sur le blog !