“Mise en bouche” – Atelier d’écriture
Chaque semaine, retrouvez le programme de l’atelier d’écriture pour adultes EULEXIS qui signifie, rappelons-le, “au beau et bon langage” ! Une invitation à découvrir et à écrire…
Pour ce premier atelier, je vous propose une “mise en bouche”, l’occasion de faire connaissance autour d’une madeleine et d’une tasse de tisane au tilleul…
La playlist de cet atelier :
- Morceaux en forme de poire – Erik Satie
- La Truite – version transcrite par Franz Liszt
- La Truite – Schubert
- Wedding Cake – Saint-Saëns
- Wine, Woman and Song – Strauss
- La Fée Dragée – Tchaikovski
- La Tartine de beurre – Mozart
Pour commencer, nul besoin d’une présentation de soi formelle, laissons le soin au questionnaire de Proust de nous rapprocher :
- Quelle est votre vertu préférée ?
- Qu’appréciez-vous le plus chez vos amis ?
- Quel est votre principal défaut ?
- Quelle est votre occupation préférée ? (Proust avait répondu “aimer”…)
- Qui sont vos auteurs et autrices favoris ?
- Qui sont vos héros et héroïnes dans la vie réelle ou dans la fiction ?
- Quel est le don de la nature que vous voudriez avoir ? (Proust avait répondu “la volonté”.)
- Quel est votre état d’esprit actuel ?
- Quelle est votre devise ?
Un extrait lu ensemble de la fameuse madeleine de Marcel Proust (À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann, 1913)…
“II y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. […] Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.”
Proposition d’écriture :
- Choisissez un aliment plaisant que vous associez à une personne que vous connaissez.
- Faites un acrostiche avec cet aliment.
- Écrivez un texte en associant cet aliment et cette personne, dans lequel vous placerez les mots de l’acrostiche.
- Vous insisterez tout particulièrement sur les 5 sens.