Quelques réflexions à propos des appréciations sur les copies

Il y a quelques années, j’ai commencé à changer mes appréciations sur les copies et les bulletins. Contrairement à beaucoup de profs, mais aussi sans doute comme beaucoup d’autres, je ne m’étais jamais vraiment posé la question de ce que j’écrivais.

Mon appréciation sur la copie d’entraînement d’une étudiante peu de temps avant un de ses concours

J’ai toujours essayé d’écrire des appréciations détaillées sur les devoirs “de poids” (dissertation, commentaire, etc.) et à l’intérieur des copies, même lorsqu’elles ne sont pas notées. (C’est la raison pour laquelle il est si décevant de voir des étudiants fourrer leur copie dans leur sac après ne s’être intéressés qu’à leur note… On sait très bien que nombre d’entre eux ne la regarderont pas non plus une fois rentrés chez eux.)

Il y a 4 ans, alors que je rendais une dissertation de prépa concours, une étudiante s’est mise à pleurer. (Sans doute aussi, et de son propre aveu, un peu fragilisée par la fatigue de la prépa.) Elle avait eu une bonne note – 13 dans mon souvenir, pour une moyenne de classe à 7/8 -, mais elle m’a dit : “il n’y a rien de bien dans ma copie”. C’était évidemment faux mais ce qui était vrai c’est que je n’avais rien écrit de positif (ou pas assez) sur sa copie. Je n’avais focalisé que sur tout ce qui pouvait être amélioré. Parce que c’est un concours ultra sélectif, parce qu’il faut viser le meilleur, parce que ça leur rend service d’être extrêmement explicite sur les axes d’amélioration.

Cela s’explique aussi par le temps passé : quand on corrige 85 dissertations en passant environ 15 minutes par copie, on ne pense pas toujours clairement. Mais ce n’est pas une excuse.

Je remercie souvent cette étudiante (dans ma tête…) pour l’électrochoc de ce jour-là. À présent, je veille à écrire des remarques positives dès que je vois quelque chose de bien. Souvent, on se contente de souligner (littéralement) ce qu’on trouve pertinent ou de mettre un trait rapide dans la marge en face. On le fait pour soi-même, parce que cela nous permet de repérer rapidement les bons arguments, les étapes ou les transitions efficaces au moment de relire la copie avant de mettre la note.

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Mais aujourd’hui, je fais l’effort conscient d’inscrire dans la marge les compliments au fur et à mesure de ma lecture : “intéressant, bien formulé, bien vu, oui!, excellente remarque, pas mal du tout, etc.”

J’essaie aussi de faire en sorte que l’appréciation générale soit équilibrée entre compliments et axes d’amélioration, même si parfois le compliment est seulement formel (“merci pour cette copie propre et soignée”). Dans l’idéal, je fais le hamburger : positif – négatif – positif. Ce qui donne quelque chose comme “Une dissertation qui progresse bien et avec des remarques pertinentes malgré un sujet pas très bien cerné et quelques arguments oubliés. Attention à la langue par endroits. Mais l’ensemble est de bonne facture et témoigne d’une bonne maîtrise de la méthode : bien joué !”

Et oui… je corrige souvent en rouge, par tradition et par commodité (la couleur “ressort” bien). Mais si je sais qu’il va y avoir beaucoup d’erreurs, j’utilise volontiers le crayon de bois ou le stylo noir/vert pour éviter l’effet “copie maculée de rouge”.

Une de mes amies me disait qu’elle s’interdit toute supposition et qu’elle centre ses remarques sur le travail et pas sur l’élève. Par exemple, elle n’écrit pas “vous manquez de clarté” mais “propos mal formulés”. Elle ne met pas non plus comme appréciation “manque de travail” pour un travail à la maison parce que… on ne peut pas savoir. L’élève a peut-être passé 6h sur son commentaire de texte pour un résultat qui est quand même superficiel, voire “raté”. Elle privilégie les expressions objectives, comme “un travail non abouti”.

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Attention, je ne dis absolument pas que tous les élèves qui ont de mauvaises notes sont pourtant très méritants. Certains ne travaillent pas, c’est une évidence… mais la cause de ce non-travail est une tout autre discussion. Ce que je veux dire c’est que : sur 10 élèves dont on pense qu’ils ne fournissent aucun effort, il y en a peut-être 2 qui travaillent, parfois beaucoup et sérieusement, et qui vont “lâcher” à force de s’entendre dire qu’ils ne font rien ou de ne lire que du négatif sur leurs copies. Mon 20% est un chiffre pris totalement au hasard mais finalement la proportion importe peu car à partir du moment où il y a au moins un élève dans ce cas, il mérite qu’on accorde à tous les autres le bénéfice du doute…

Je pense m’être beaucoup améliorée sur les appréciations par rapport à mes débuts, mais j’ai encore des progrès à faire et des réflexes à combattre. Par exemple, je n’ai pas encore d’avis tranché sur l’utilisation du “décevant” ou du “dommage”. Je sais que j’ai banni le “peut mieux faire” et l’ai remplacé par diverses variations de “bon ensemble, sachez que vous avez encore une marge de progrès” assortis de compliments renforcés sur les aspects positifs (vive les points d’exclamation !). Avec l’espoir que certains cessent de se contenter du minimum… Je ne sais pas si c’est beaucoup mieux.

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Nous avons tous des biais et même si en être conscient est déjà une première étape, il est toujours plus facile de mettre des encouragements à l’élève en difficulté mais respectueux et investi qu’au profil inverse… (Sachant que par “respectueux et investi”, j’entends seulement “de bonne volonté, non insultant et concerné par ce qui se passe en classe”.) Ma réflexion sur le sujet n’est pas aboutie et c’est tant mieux !

Un jour, il faudra aussi que l’on discute des “manque de participation”, “trop discret” et autres remarques que l’on écrit sur les bulletins des élèves introvertis et que pour ma part j’ai remplacé depuis quelques années par “n’hésitez pas à m’interpeller/me demander de l’aide/venir me voir même à la fin du cours si vous avez besoin”… Mais ça sera l’occasion d’un autre billet.

Amandine Sourisse